Ce qui endure

2022 | Jacques dans le vert, Marseilles
Essay for Zoé van der Haegen‘s monograph Arbres-Troncs

Excerpts:

“L’artiste approche ces arbres brûlés comme les vestiges de l’histoire d’un paysage qu’elle a très longtemps elle-même arpenté, et dont elle possède une connaissance intime. Le pin n’est plus désirable, mais il est une survivance du passé, le rappel d’une forme d’exploitation désormais dépréciée des ressources naturelles. Présence immobile et arrêtée, il témoigne de ce que l’on a cultivé et valorisé, et ultimement des fortunes changeantes qu’a connues cette essence au fil des siècles. Ces troncs calcinés se teintent également d’une dimension totémique. De par leur forme presque sculpturale d’une part, mais surtout de par ce qui y est investi, symboliquement, par l’artiste, et par l’indépendance qu’ils prennent, en tant que forme autonome, sur leur contexte initial.”

“À l’abstraction de ces images vient répondre le caractère documentaire des cinq photographies réalisées dans la réserve naturelle, après la destruction organisée des forêts de pins. Loin des images verdoyantes de marais qui peuplent les guides de voyage, elles présentent des terrains désolés, calcinés et en apparence abandonnés. Ces images contextualisent les autres, les arrachent à une certaine dématérialisation. Ces paysages-là sont autant des réminiscences des territoires belges et néerlandais des après-guerres, labourés, brûlés et défigurés par des années de combats, et dont les images ont marqué la mémoire collective de ces épisodes historiques.

Les Arbres-Troncs rappellent, de manière plus large, le passage tumultueux de l’humain qui tour à tour façonne et déchire le paysage, au gré de ses investissements changeants, qu’ils soient économiques, politiques ou symboliques, dans le territoire. En dialogues avec celles-ci, les troncs-vestiges témoignent de la perte, mais aussi d’une certaine résilience de ce qui, au sein du paysage, endure et perdure malgré tout.”

Image © Jacques dans le vert